LA MORT DE TINTAGILES, de Maurice MAETERLINCK (1894)


Maurice MAETERLINCK (Gand, 1862 - Nice 1949). Premio Nóbel de Literatura 1902

No sólo por haber sido publicada íntegramente por VER SACRUM, sino por su interés en la Secesión Vienesa, publicamos íntegramente la obra de Maeterlinck en su original francés.

Personnages
TINTAGILES
YGRAINE, BELLANGÈRE - sœurs de Tintagiles
AGLOVALE
TROIS SERVANTES DE LA REINE



ACTE PREMIER

Au sommet d'une colline qui domine le château
Entre Ygraine tenant Tintagiles par la main.

YGRAINE

Ta première nuit sera mauvaise, Tintagiles. La mer hurle déjà autour de nous ; et les arbres se plaignent. Il est tard. La lune est sur le point de se coucher derrière les peupliers qui étouffent le palais... Nous voici seuls, peut-être, bien qu'ici, il faille vivre sur ses gardes. Il semble qu'on y guette l'approche du plus petit bonheur. Je me suis dit un jour, tout au fond de mon âme ; - et Dieu lui-même pouvait l'entendre à peine; -je me suis dit un jour que j'allais être heureuse... Il n'en fallut pas davantage; et quelque temps après, notre vieux père mourait et nos deux frères disparaissaient sans qu'un seul être humain puisse nous dire où ils sont. Me voici toute seule, avec ma pauvre sœur et toi, mon petit Tintagiles; et je | n'ai pas confiance en l'avenir- Viens ici, assieds-toi sur mes genoux. I Embrasse-moi d'abord; et mets tes petits bras, là, tout autour de mon cou... on ne pourra peut-être pas les dénouer- Te rappelles-tu le temps où c'était moi qui te portais le soir, quand l'heure était venue ; et où tu avais peur des ombres de ma lampe dans les longs corridors sans fenêtres ! - J'ai senti que mon âme a tremblé sur l mes lèvres, lorsque je t'ai revu, tout à coup, ce matin... Je te croyais si loin et si bien à l'abri... Qui est-ce qui t'a fait venir ici?

TINTAGILES

Je ne sais pas, petite sœur.

YGRAINE

Tu ne sais plus ce qu'on a dit?

TINTAGILES

On a dit qu'il fallait partir. L

[524]

YGRAINE

Mais pourquoi fallait-il partir?

TINTAGILES

Parce que la reine le voulait.

YGRAINE

On n'a pas dit pourquoi elle le voulait? -Je suis sûre qu'on a dit bien des choses...

TINTAGILES

Petite sœur, je n'ai rien entendu.

YGRAINE

Quand ils parlaient entre eux, qu'est-ce qu'ils se disaient?

TINTAGILES

Petite sœur, ils parlaient à voix basse.

YGRAINE

Tout le temps?

TINTAGILES

Tout le temps, sœur Ygraine ; excepté quand ils me regardaient.

YGRAINE

Ils n'ont point parlé de la reine !

TINTAGILES

Ils ont dit, sœur Ygraine, qu'on ne la voyait pas.

YGRAINE

Et ceux qui étaient avec toi, sur le pont du navire, n'ont rien dit?

TINTAGILES

Ils ne s'occupaient que du vent et des voiles, sœur Ygraine.

[525]

YGRAINE

Ah!... Cela ne m'étonne pas, mon enfant...

TINTAGILES

Ils m'ont laissé tout seul, petite sœur.

YGRAINE

Ecoute-moi, Tintagiles, je vais te dire ce que je sais...

TINTAGILES

Que sais-tu, sœur Ygraine?

YGRAINE

Peu de chose, mon enfant... Ma sœur et moi, nous nous traînons ! ici, depuis notre naissance, sans rien oser comprendre à tout ce qui se passe... J'ai vécu bien longtemps comme une aveugle dans cette ; île; et tout me semblait naturel- Je n'y voyais pas d'autres événements qu'un oiseau qui volait, une feuille qui tremblait, une rosé qui s'ouvrait- II y régnait un tel silence qu'un fruit mûr qui tombait dans le parc appelait les visages aux fenêtres... Et personne ne semblait avoir de soupçons- mais une nuit, j'ai appris qu'il devait y avoir autre chose- J'ai voulu fuir et je n'ai pu le faire- As-tu compris ce que j'ai dit?

TINTAGILES

Oui, oui, petite sœur, je comprends tout ce que l'on veut-

YGRAINE

Alors, ne parlons plus de ce qu'on ne sait pas... Tu vois là, derrière les arbres morts qui empoisonnent l'horizon, tu vois le château, au fond de la vallée ?

TINTAGILES

Ce qui est si noir, sœur Ygraine ?

YGRAINE

II est noir en effet... Il est au plus profond d'un cirque de ténèbres- II faut bien qu'on y vive... On eût pu le construire au [526] sommet des grands monts qui l'entourent- Les monts sont bleus durant le jour... On aurait respiré. On aurait vu la mer et les prairies de l'autre côté des rochers... Mais ils ont préféré le mettre au fond de la vallée; et l'air même ne descend pas si bas... Il tombe en ruines, et personne n'y prend garde... Les murailles se fendent et l'on dirait qu'il se dissout dans les ténèbres- II n'y a qu'une tour que le temps n'attaque point- Elle est énorme ; et la maison ne sort pas de son ombre...

TINTAGILES

II y a quelque chose qui s'éclaire, sœur Ygraine- Vois-tu, vois-tu, les grandes fenêtres rouges?-

YGRAINE

Ce sont celles de la tour, Tintagiles ; ce sont les seules où tu verras de la lumière, et c'est là que se trouve le trône de la reine.

TINTAGILES

Je ne verrai pas la reine ?

YGRAINE

Personne ne peut la voir...

TINTAGILES

Pourquoi ne peut-on la voir?

YGRAINE

Approche-toi davantage, Tintagiles... Il ne faut pas qu'un oiseau ou une herbe nous entende...

TINTAGILES

II n'y a pas d'herbe, petite sœur- Un silence. - Qu'est-ce qu'elle fait, la reine ?

YGRAINE

Personne ne le sait, mon enfant. Elle ne se montre pas- Elle vit là, toute seule dans sa tour ; et celles qui la servent ne sortent pas durant le jour- Elle est très vieille ; elle est la mère de notre mère et elle veut régner seule- Elle est soupçonneuse et jalouse et on [527] dit qu'elle est folle- Elle a peur que quelqu'un ne s'élève à sa place ; et c'est, sans doute, à cause de cette crainte qu'elle a voulu qu'on t'amenât ici... Ses ordres s'exécutent sans qu'on sache comment... Elle ne descend jamais ; et toutes les portes de la tour sont fermées nuit et jour... Je ne l'ai jamais aperçue; mais d'autres l'ont vue, paraît-il, dans le temps, alors qu'elle était jeune...

TINTAGILES

Elle est très laide, sœur Ygraine ?

YGRAINE

On dit qu'elle n'est pas belle et qu'elle devient énorme- Mais ceux qui l'ont vue n'osent plus en parler... Mais qui sait s'ils l'ont vue?... Elle a une puissance que l'on ne comprend pas; et nous vivons ici avec un grand poids sans merci sur notre âme... Il ne faut pas que tu t'effraies outre mesure ou que tu aies de mauvais rêves ; nous veillerons sur toi, mon petit Tintagiles, et le mal ne pourra t'atteindre ; mais ne t'éloigne pas de moi, de ta sœur Bellangère ni de notre vieux maître Agiovale-

TINTAGILES

D'Aglovale non plus, sœur Ygraine ?

YGRAINE

D'Aglovale non plus... Il nous aime...

TINTAGILES

II est si vieux, petite sœur !

YGRAINE

II est vieux, mais très sage... C'est le seul ami qui nous reste; et il sait bien des choses- C'est étrange ; elle t'a fait venir sans prévenir personne- Je ne sais ce qu'il y a dans mon cœur... J'étais triste et heureuse de te savoir si loin, de l'autre côté de la mer... Et maintenant j'ai été étonnée-Je sortais ce matin pour voir si le soleil se levait sur les monts; et c'est toi que je vois sur le seuil... Je t'ai reconnu tout de suite...

[528]

TINTAGILES

Non, non, petite sœur; c'est moi qui ai ri le premier...

YGRAINE

Je ne pouvais pas rire tout de suite... Tu comprendras... Il est temps, Tintagiles, et le vent devient noir sur la mer... Embrasse-moi, plus fort, encore, encore, avant de te mettre debout- Tu ne sais pas qu'on aime... Donne-moi ta petite main... Je la garderai bien et nous allons rentrer dans le château malade-

Ils sortent.

[529]


ACTE DEUXIÈME

Un appartement dans le château
On découvre Agiovale et Ygraine. - Entre Bellangère.

BELLANGÈRE

Où est Tintagiles?

YGRAINE

Ici; ne parle pas trop fort. Il dort dans l'autre chambre. Il semblait un peu pâle, un peu souffrant aussi. Il était fatigué du voyage et de la longue traversée. Ou bien, c'est l'atmosphère du château qui a surpris sa petite âme. Il pleurait sans raison. Je l'ai bercé sur mes genoux; viens voir- II dort dans notre lit- II dort très gravement, une main sur le front, comme un petit roi triste...

BELLANGÈRE, fondant soudainement en larmes

Ma sœur! ma sœur!- ma pauvre sœur!...

YGRAINE

Qu'y a-t-il?

BELLANGÈRE

Je n'ose pas dire ce que je sais... et je ne suis pas sûre de savoir quelque chose... et cependant j'ai entendu ce qu'on ne pouvait pas entendre-

YGRAINE

Qu'as-tu donc entendu?

BELLANGÈRE

J'ai passé près des corridors de la tour-

[530]

YGRAINE

Ah?...

BÉLLANGÈRE

Une porte y était entr'ouverte. Je l'ai poussée très doucement... Je suis entrée...

YGRAINE

Où ça?

BELLANGÈRE

Je n'avais jamais vu- II y avait d'autres corridors éclaires par des lampes; puis des galeries basses qui n'avaient pas d'issue... Je savais qu'il était défendu d'avancer-J'avais peur et j'allais revenir sur mes pas, quand je surpris un bruit de voix qu'on entendait à peine...

YGRAINE

II faut que ce soient les servantes de la reine ; elles habitent au pied de la tour-

BELLANGÈRE

Je ne sais pas au juste ce que c'était- II devait y avoir plus d'une porte entre nous ; et les voix m'arrivaient comme la voix de quel-qu'un qu'on étouffe-Je me suis approchée autant que je l'ai pu... Je ne suis sûre de rien mais je crois qu'elles parlaient d'un enfant arrivé d'aujourd'hui et d'une couronne d'or... Elles semblaient rire-

YGRAINE

Elles riaient?

BELLANGÈRE

Oui, je crois qu'elles riaient- à moins qu'elles ne pleurassent, ou que ce fût une chose que je n'ai pas comprise ; car on entendait mal, et leurs voix étaient douces. Elles semblaient s'agiter en foule sous des voûtes... Elles parlaient de l'enfant que la reine voulait voir- Elles monteront probablement ce soir-

[531]

YGRAINE

Quoi?... ce soir?-

BELLANGÈRE

Oui- Oui... Je crois que oui...

YGRAINE

Elles n'ont nommé personne?

BELLANGÈRE

Elles parlaient d'un enfant, d'un tout petit enfant...

YGRAINE

II n'y a pas d'autre enfant...

BELLANGÈRE

Elles élevaient un peu la voix en ce moment, parce que l'une d'elles avait dit que le jour ne semblait pas venu...

YGRAINE

Je sais ce que cela veut dire, et ce n'est pas la première fois qu'elles sortent de la tour... Je savais bien pourquoi elle l'avait fait venir... mais je ne pouvais croire qu'elle aurait hâte ainsi!... Nous verrons... nous sommes trois et nous avons le temps.

BELLANGÈRE

Que vas-tu faire?

YGRAINE

Je ne sais pas encore ce que je ferai, mais je l'étonnerai... savez-vous ce que c'est, vous autres qui tremblez? Je vais vous dire...

BELLANGÈRE

Quoi?

YGRAINE

Elle ne le prendra pas sans peine-

[532]

BELLANGÈRE

Nous sommes seules, sœur Ygraine...

YGRAINE

Ah! c'est vrai, nous sommes seules!... Il n'y a qu'un remède et il nous réussit toujours!... Attendons à genoux comme les autres fois... D'une voix ironique. Elle aura peut-être pitié!... Elle se laisse désarmer par les larmes... Il faut lui accorder tout ce qu'elle demande; elle sourira peut-être; et elle a l'habitude d'épargner tous ceux qui s'agenouillent- Elle est là depuis des années dans son énorme tour, à dévorer les nôtres, sans qu'un seul ait osé la frapper au visage... Elle est là sur notre âme comme la pierre d'un tombeau et pas un n'ose étendre le bras... Au temps qu'il y avait ici des hommes, ils avaient peur aussi, et tombaient à plat ventre... Aujourd'hui c'est au tour de la femme- nous verrons- II est temps qu'on se lève à la fin- On ne sait pas sur quoi repose sa puissance, et je ne veux plus vivre à l'ombre de sa tour... Allez-vous-en, allez-vous-en tous deux, et laissez-moi plus seule encore si vous tremblez aussi... Je l'attends-

BELLANGÈRE

Ma sœur, je ne sais pas ce qu'il faut que l'on fasse, mais je reste avec toi...

AGLOVALE

Je reste aussi, ma fille... Il y a bien longtemps que mon âme est inquiète- Vous allez essayer- nous avons essayé plus d'une fois...

YGRAINE

Vous avez essayé... vous aussi?

AGLOVALE

Ils ont tous essayé... Mais au dernier moment, ils ont perdu la force... Vous aussi vous verrez... Elle m'ordonnerait de monter jusqu'à elle ce soir même, je joindrais mes deux mains sans rien dire; et mes pieds fatigués graviraient l'escalier, sans lenteur et sans hâte, bien que je sache qu'on ne le descend pas les yeux ouverts... Je n'ai plus de courage contre elle... nos mains ne servent à rien et [533] n'atteignent personne... Ce n'est pas ces mains-là qu'il faudrait et tout est inutile... Mais je veux vous aider puisque vous espérez... Fermez les portes, mon enfant... Éveillez Tintagiles ; entourez-le de vos petits bras nus et prenez-le sur vos genoux... nous n'avons pas d'autre défense-

[534]


ACTE TROISIÈME

Le même appartement
On découvre Ygraine et Agiovale.

YGRAINE

J'ai visité les portes. Il y en a trois. Nous garderons la grande... Les deux autres sont épaisses et basses. Elles ne s'ouvrent jamais. Les clefs en sont perdues depuis longtemps, et les barres de fer sont scellées dans les murs. Aidez-moi à fermer celle-ci ; elle est plus lourde que la porte d'une ville... Elle est solide aussi, et la foudre elle-même ne pourrait pas entrer... Êtes-vous prêt à tout?

AGLOVALE, s'asseyant sur le seuil

Je vais m'asseoir sur les marches du seuil ; l'épée sur les genoux... Je crois que ce n'est pas la première fois que j'attends et que je veille ici... et il y a des moments où l'on ne comprend pas tout ce qu'on se rappelle... J'ai fait ces choses, je ne sais quand... mais je n'avais jamais osé tirer l'épée... Aujourd'hui, elle est là, devant moi, bien que mes bras n'aient plus de force ; mais je veux essayer- II est peut-être temps qu'on se défende, quoiqu'on sache que l'effort ne servira de rien.

Bellangère, portant Tintagiles dans ses bras, sort de l'appartement voisin.

BELLANGÈRE

II était éveillé...

YGRAINE

II est pâle... qu'a-t-il donc?

BELLANGÈRE

Je ne sais... Il pleurait en silence...

[505]

YGRAINE

Tintagiles-

BELLANGÈRE

II regarde d'un autre côté-

YGRAINE

II ne me reconnaît pas... Tintagiles, où es-tu? - C'est ta sœur qui te parle... Que regardes-tu là? - Retourne-toi- viens, nous allons jouer-

TINTAGILES

Non... non-

YGRAINE

Tu ne veux pas jouer ?

TINTAGILES

Je ne peux plus marcher, sœur Ygraine...

YGRAINE

Tu ne peux plus marcher?... Voyons, voyons, qu'as-tu donc? - Est-ce que tu souffres un peu?

TINTAGILES

Oui-

YGRAINE

Où est-ce donc que tu souffres ? - dis-le moi, Tintagiles, et je te guérirai-

TINTAGILES

Je ne peux pas le dire, sœur Ygraine, c'est partout...

YGRAINE

Viens ici, Tintagiles... Tu sais bien que mes bras sont plus doux et qu'on y guérit vite... Donne-le moi, Bellangère... Il va s'asseoir sur mes genoux, et cela passera... Là, tu vois ce que c'est?... Tes [536] grandes sœurs sont ici... Elles sont autour de toi... nous allons te défendre et le mal ne pourra pas venir...

TINTAGILES

II est là, sœur Ygraine... Pourquoi n'y a-t-il pas de lumière, sœur Ygraine ?

YGRAINE

II y en a, mon enfant- Tu ne vois pas la lampe qui descend de la voûte ?

TINTAGILES

Oui, oui... Elle n'est pas grande- II n'y en a pas d'autres?

YGRAINE

Pourquoi en faut-il d'autres? on voit ce qu'il faut voir-

TINTAGILES

Ah!

YGRAINE

Oh! tes yeux sont profonds!-

TINTAGILES

Les tiens aussi, sœur Ygraine...

YGRAINE

Je ne l'avais pas remarqué ce matin... J'ai vu monter- On ne sait pas au juste ce que l'âme a cru voir-

TINTAGILES

Je n'ai pas vu l'âme, sœur Ygraine- Mais pourquoi Agiovale est-il là sur le seuil?

YGRAINE

II se repose un peu... Il voulait t'embrasser avant de se coucher... Il attendait que tu fusses éveillé...

[537]

TINTAGILES

Qu'est-ce qu'il a sur les genoux?

YGRAINE

Sur les genoux? Je ne vois rien sur ses genoux...

TINTAGILES

Si, si, il y a quelque chose-

AGLOVALE

Peu de chose, mon enfant-Je regardais ma vieille épée; et je la reconnais à peine... Elle m'a servi bien des années; mais depuis quelque temps, j'ai perdu toute confiance en elle, et je crois qu'elle va se briser... Il y a là, près de la garde, une petite tache... J'ai remarque que l'acier pâlissait, et je me demandais... Je ne sais plus ce que je demandais- Mon âme est bien lourde aujourd'hui- Que veux-tu qu'on y fasse?... Il faut bien que l'on vive en attendant l'inattendu- et puis il faut agir comme si l'on espérait- On a de ces soirs graves où la vie inutile vous remonte à la gorge ; et l'on voudrait fermer les yeux... Il est tard, et je suis fatigué-

TINTAGILES

II a des blessures, sœur Ygraine-

YGRAINE

Où donc?

TINTAGILES

Sur le front et les mains-

AGLOVALE

Ce sont de très vieilles blessures dont je ne souffre plus... Il faut que la lumière tombe sur elles ce soir- Tu ne les avais pas remarquées jusqu'ici ?

TINTAGILES

II a l'air triste, sœur Ygraine...

[538]

YGRAINE

Non, non, il n'est pas triste, mais très las-

TINTAGILES

Toi aussi, tu es triste, sœur Ygraine-

YGRAINE

Mais non, mais non ; tu vois bien, je souris-

TINTAGILES

Et l'autre sœur aussi...

YGRAINE

Mais non, elle sourit aussi-

TINTAGILES

Ce n'est pas sourire ça- Je sais bien-

YGRAINE

Voyons; embrasse-moi et pense à autre chose...

Elle l'embrasse.

TINTAGILES

À quelle chose, sœur Ygraine ? - Pourquoi me fais-tu mal quand tu m'embrasses ainsi?

YGRAINE

Je t'ai fait mal?

TINTAGILES

Oui... Je ne sais pas pourquoi j'entends battre ton cœur, sœur Ygraine...

YGRAINE

Tu l'entends battre ?

TINTAGILES

Oh ! oh 1 il bat, il bat, comme s'il voulait...

[539]

YGRAINE

Quoi?

TINTAGILES

Je ne sais pas, sœur Ygraine...

YGRAINE

II ne faut pas s'inquiéter sans raison, ni parler par énigmes-Tiens! tes yeux sont mouillés... Pourquoi te troubles-tu ? J'entends ton cœur aussi... on les entend toujours lorsqu'on s'embrasse ainsi... C'est alors qu'ils se parlent et qu'ils disent des choses que la voix ne dit pas...

TINTAGILES

Je n'ai pas entendu tout à l'heure-

YGRAINE

C'est qu'alors... Oh! mais le tien!- qu'a-t-il donc?... il éclate!...

TINTAGILES, criant

Sœur Ygraine ! sœur Ygraine !

YGRAINE

Quoi?

TINTAGILES

J'ai entendu!- Elles... elles viennent!

YGRAINE

Mais qui donc?- qu'as-tu donc?-

TINTAGILES

La porte ! la porte ! Elles y étaient !

Il tombe à la renverse sur les genoux d'Ygraine.

YGRAINE

Qu'a-t-il donc?... Il s'est... il s'est évanoui...

[540]

BELLANGÈRE

Prends garde... prends garde... Il va tomber...

AGLOVALE, se levant brusquement, l'épée à la main

J'entends aussi... on marche dans le corridor.

YGRAINE

Oh!...

Un silence - ils écoutent.

AGLOVALE

J'entends... Il y en a une foule...

YGRAINE

Une foule... quelle foule?

AGLOVALE

Je ne sais pas... on entend et on n'entend pas... Elles ne marchent pas comme les autres êtres, mais elles viennent- Elles touchent à la porte...

YGRAINE, serrant convulsivement Tintagiles dans ses bras

Tintagiles !... Tintagiles !...

BELLANGÈRE, l'embrassant en même temps

Moi aussi!... moi aussi!... Tintagiles!...

AGLOVALE

Elles ébranlent la porte... écoutez- doucement- Elles chuchotent... Elles frôlent. .

On entend une clef grincer dans la serrure.

YGRAINE

Elles ont la clef!

AGLOVALE

Oui... oui... J'en étais sûr... Attendez..

[541]

II se dresse, l'épée haute, sur la dernière marche. - Aux deux sœurs :

Venez ! venez aussi !

Un silence. La porte s'ouvre un peu. Affolé, Agiovale met son épée en travers de l'ouverture, en en fichant la pointe entre les poutres du chambranle. L'épée se brise avec fracas sous la pression funèbre du vantail, et ses fragments roulent en résonnant le long des marches. Ygraine bondit, portant Tintagiles évanoui; et elle, Bellangère et Agiovale, avec des efforts vains et énormes, tentent de repousser la porte qui continue de s'ouvrir lentement, sans qu'on entende ou qu'on voie personne. Seule, une clarté froide et calme pénètre dans l'appartement. A ce moment, Tintagiles, se raidissant soudain, revient à lui, pousse un long cri de délivrance et embrasse sa sœur, tandis qu'à l'instant même de ce cri, la parte qui ne résiste plus, se referme brusquement sous leur poussée qu'ils n'ont pas eu le temps d'interrompre.

YGRAINE

Tintagiles!-

Ils se regardent avec étonnement.

AGLOVALE, écoutant à la porte

Je n'entends plus rien...

YGRAINE, éperdue de joie

Tintagiles!- Tintagiles!... Voyez! Voyez!... Il est sauvé!- Voyez ses yeux... on voit le bleu... Il va parler... Elles ont vu qu'on veillait.. Elles n'ont pas osé... Embrasse-nous!- Embrasse-nous, te dis-je !... Embrasse-nous!- Tous! Tous!- Jusqu'au fond de notre âme!-

Tous les quatre, les yeux pleins de larmes, se tiennent étroitement embrassés.

[542]


ACTE QUATRIÈME

Un corridor devant l'appartement de l'acte précédent
Entrent, voilées, trois servantes de la reine.

PREMIÈRE SERVANTE, écoutant à la porte

Ils ne veillent plus-

DEUXIÈME SERVANTE

II est inutile d'attendre...

TROISIÈME SERVANTE

Elle préfère qu'on le fasse en silence...

PREMIÈRE SERVANTE

Je savais qu'ils devaient dormir...

DEUXIÈME SERVANTE

Ouvrez vite...

TROISIÈME SERVANTE

II est temps...

PREMIÈRE SERVANTE

Attendez à la porte. J'entrerai seule. Il est inutile d'être trois...

DEUXIÈME SERVANTE

II est vrai qu'il est bien petit-

TROISIÈME SERVANTE

II faut prendre garde à l'aînée...

DEUXIÈME SERVANTE

Vous savez que la reine ne veut pas qu'elles le sachent...

[543]

PREMIÈRE SERVANTE

Ne craignez rien ; on ne m'entend jamais sans peine-

DEUXIÈME SERVANTE

Entrez donc; il est temps.

La première servante ouvre la parte avec prudence et entre dans la chambre.

TROISIÈME SERVANTE

Ah...

Un silence. La première servante sort de l'appartement.

DEUXIÈME SERVANTE

Où est-il?

PREMIÈRE SERVANTE

II dort entre ses sœurs. Il entoure leur cou de ses bras ; et leurs bras l'entourent aussi... Je ne pourrai pas le faire seule-

DEUXIÈME SERVANTE

Je vais vous aider...

TROISIÈME SERVANTE

Oui; allez-y ensemble... je veillerai ici...

PREMIÈRE SERVANTE

Prenez garde; ils savent quelque chose... Ils luttaient tous trois contre un mauvais rêve-

Les deux servantes entrent dans la chambre.

TROISIÈME SERVANTE

Ils le savent toujours; mais ils ne comprennent pas-

Un silence. Les deux servantes ressortent de l'appartement.

TROISIÈME SERVANTE

Et bien?

[544]

DEUXIÈME SERVANTE

II faut venir aussi... On ne peut pas les détacher-

PREMIÈRE SERVANTE

Lorsqu'on dénoue leurs bras, elles les referment sur l'enfant...

DEUXIÈME SERVANTE

Et l'enfant les serre de plus en plus fort-

PREMIÈRE SERVANTE

II repose, le front sur le cœur de l'aînée...

DEUXIÈME SERVANTE

Et sa tête remonte et descend sur ses seins-

PREMIÈRE SERVANTE

Nous ne parviendrons pas à entr'ouvrir ses mains...

DEUXIÈME SERVANTE

Elles plongent jusqu'au fond des cheveux de ses sœurs-

PREMIÈRE SERVANTE

II serre une boucle d'or entre ses petites dents-

DEUXIÈME SERVANTE

II faudra couper les cheveux de l'aînée-

PREMIÈRE SERVANTE

Et ceux de l'autre sœur de même, vous verrez-

DEUXIÈME SERVANTE

Avez-vous des ciseaux?

TROISIÈME SERVANTE

Oui...

PREMIÈRE SERVANTE

Venez vite ; ils s'agitent déjà.

[545]

DEUXIÈME SERVANTE

Leur cœur et leurs paupières battent en même temps...

PREMIÈRE SERVANTE

C'est vrai ; j'ai entrevu les yeux bleus de l'aînée-

DEUXIÈME SERVANTE

Elle nous a regardées, mais ne nous a pas vues...

PREMIÈRE SERVANTE

Quand on touche à l'un d'eux, les deux autres tressaillent-

DEUXIÈME SERVANTE

Ils font de grands efforts sans pouvoir remuer...

PREMIÈRE SERVANTE

L'aînée voudrait crier, mais elle n'y parvient pas...

DEUXIÈME SERVANTE

Venez vite ; ils semblent avertis...

TROISIÈME SERVANTE

Le vieillard n'est pas là?

PREMIÈRE SERVANTE

Si; mais il dort dans un coin...

DEUXIÈME SERVANTE

II dort, le front sur le pommeau de son épée.

PREMIÈRE SERVANTE

II ne sait rien; et il ne rêve pas-

TROISIÈME SERVANTE

Venez, venez ; il faut qu'on en finisse...

PREMIÈRE SERVANTE

Vous aurez de la peine à démêler leurs membres...

[546]

DEUXIÈME SERVANTE

C'est vrai; ils s'entrelacent comme ceux des noyés...

TROISIÈME SERVANTE

Venez, venez...

Elles entrent dans la chambre. Un grand silence entrecoupé des soupirs et des sourds murmures d'une angoisse que le sommeil étouffe. Ensuite, les trois servantes sortent en toute hâte de l'appartement sombre. L'une d'elle emporte dans ses bras Tintagiles endormi, dont les petites mains crispées par le sommeil et l'agonie, l'inondent tout entière du ruissellement des longues boucles d'or ravies aux chevelures des deux sœurs. Elles fuient en silence, lorsqu'arrivées au bout du corridor, Tintagiles, tout à coup réveillé, pousse un grand cri de détresse suprême.

TINTAGILES, du fond du corridor

Aah!-

Nouveau silence. Puis on entend, dans la chambre voisine, s'éveiller et se lever inquiètement les deux sœurs.

YGRAINE, dans la chambre

Tintagiles!... où est-il?-

BELLANGÈRE

II n'y est plus-

YGRAINE, avec une angoisse croissante

Tintagiles!- une lampe! une lampe!- Allume-la!-

BELLANGÈRE

Oui... Oui... .

YGRAINE

On la voit, par la porte ouverte, s'avancer dans la chambre, une lampe à la main.

La porte est grande ouverte !

[547]

LA VOIX DE TINTAGILES, presque indistincte dans le lointain

Sœur Ygraine!-

YGRAINE

II crie!... Il crie!... Tintagiles! Tintagiles !...

Elle se précipite dans le corridor. Bellangère veut la suivre, mais tombe sans connaissance sur les marches du seuil.

[548]


ACTE CINQUIÈME

Une grande porte de fer sous des voûtes très sombres
Entre Ygraine, hagarde, échevelée, une lampe à la main.

YGRAINE, se retournant avec égarement

Ils ne m'ont pas suivie... Bellangère!... Bellangère!... Agiovale!... Où sont-ils? - Ils disaient qu'ils l'aimaient et ils m'ont laissée seule!... Tintagiles!... Tintagiles!... Oh! c'est vrai-j'ai monté, j'ai monté des degrés innombrables entre de grands murs sans pitié et mon cœur ne peut plus me faire vivre... On dirait que les voûtes remuent... Elle s'appuie contre les piliers d'une voûte. Je vais tomber. Oh! oh ! ma pauvre vie ! Je la sens... Elle est tout au bord de mes lèvres et elle veut s'en aller... Je ne sais pas ce que j'ai fait... Je n'ai rien vu; et je n'ai rien entendu... Il y a un silence!... J'ai trouvé toutes ces boucles d'or le long des marches et le long des murailles; et je les ai suivies. Je les ai ramassées. Oh ! oh ! elles sont très belles ! Petit Poucet... petit Poucet... Qu'est-ce donc que j'ai dit? Je me rappelle... Je n'y crois pas non plus... on peut dormir... Tout cela n'a pas d'importance et ce n'est pas possible... Je ne sais plus ce que je pense... On vous éveille et puis... Au fond, voyons, au fond, il faut qu'on réfléchisse... On dit ceci, on dit cela; mais c'est l'âme qui suit un tout autre chemin. On ne sait pas tout ce que l'on déchaîne. Je suis venue ici avec ma petite lampe... Elle ne s'est pas éteinte malgré le vent dans l'escalier... Au fond, que faut-il en penser? Il y a trop de choses qui ne sont pas fixées- II en est cependant qui doivent les savoir: mais pourquoi ne parlent-ils pas? Regardant autour d'elle. Je n'avais jamais vu tout ceci... On ne peut pas monter plus haut; et tout est défendu... Il fait froid- II fait si noir aussi qu'on aurait peur de respirer- On dit que les ténèbres empoisonnent... Il y a là une porte effrayante... Elle s'approche de la porte et la tâte. Oh! elle est froide!... Elle est en fer uni, tout uni et n'a pas de serrure... Par où donc s'ouvre-t-elle ? Je ne vois pas de gonds... Je crois qu'elle est scellée dans la muraille... On ne peut pas monter [549] plus haut... Il n'y a plus de marches... Poussant un cri terrible. Ah!... encore des boucles d'or prises entre les battants!- Tintagiles! Tintagiles !... J'ai entendu tomber la porte tout à l'heure !... Je me rappelle! Je me rappelle!... Il faut!... Elle frappe frénétiquement du poing et des pieds sur la porte. Oh ! le monstre ! le monstre ! C'est ici que vous êtes!- Écoutez! Je blasphème! je blasphème et je crache sur vous!-

On entend frapper à petits coups de l'autre côté de la porte; puis la voix de Tintagiles se perçoit très faiblement, à travers les battants de fer.

TINTAGILES

Sœur Ygraine, sœur Ygraine-

YGRAINE

Tintagiles!- Quoi?- quoi?... Tintagiles, est-ce toi?...

TINTAGILES

Ouvre vite, ouvre vite!... Elle est là!...

YGRAINE

Oh! oh!... Qui?... Tintagiles, mon petit Tintagiles... tu m'entends?... Qu'y a-t-il? Qu'est-il donc arrivé?- Tintagiles!... On ne t'a pas fait mal?- Où es-tu?... es-tu là?-

TINTAGILES

Sœur Ygraine, sœur Ygraine !... Je vais mourir si tu ne m'ouvres pas.

YGRAINE

Attends, j'essaye, attends... J'ouvre, j'ouvre...

TINTAGILES

Mais tu ne me comprends pas I... Sœur Ygraine !- Il n'y a pas de temps!- Elle n'a pas pu me retenir... Je l'ai frappée, frappée... j'ai couru... Vite, vite, elle arrive!...

YGRAINE

Je viens, je viens... où est-elle?...

[550]

TINTAGILES

Je ne vois rien- mais j'entends- Oh ! j'ai peur, sœur Ygraine, j'ai peur!- Vite, vite!- Ouvre vite!- pour l'amour du bon Dieu, sœur Ygraine !

YGRAINE, tâtant anxieusement la porte

Je suis sûre de trouver... attends un peu... une minute... un moment...

TINTAGILES

Je ne peux plus, sœur Ygraine... Elle souffle derrière moi-

YGRAINE

Ce n'est rien, Tintagiles, mon petit Tintagiles, n'aie pas peur... c'est que je n'y vois pas...

TINTAGILES

Mais si; je vois bien ta lumière... Il fait clair près de toi, sœur Ygraine... Ici, je n'y vois plus...

YGRAINE

Tu me vois, Tintagiles? Où est-ce que l'on voit? Il n'y a pas de fente...

TINTAGILES

Si, si, il y en a une, mais elle est si petite!...

YGRAINE

De quel côté? ici?- dis, dis... c'est peut-être par là?

TINTAGILES

Ici, ici... Tu n'entends pas? Je frappe-

YGRAINE

Ici?

[551]

TINTAGILES

Plus haut- Mais elle est si petite !... On ne peut pas y passer une aiguille !...

YGRAINE

N'aie pas peur, je suis là-

TINTAGILES

Oh! j'entends, sœur Ygraine!... Tire! tire! Il faut tirer! Elle arrive!... si tu pouvais ouvrir un peu... un petit peu- car je suis si petit !...

YGRAINE

Je n'ai plus d'ongles, Tintagiles... J'ai tiré, j'ai poussé, j'ai frappé !... j'ai frappé !... Elle frappe encore et tâche de secouer la porte inébranlable. ]'ai deux doigts qui sont morts... Ne pleure pas... C'est du fer...

TINTAGILES, sanglotant désespérément

Tu n'as pas quelque chose pour ouvrir, sœur Ygraine?- rien du tout, rien du tout... et je pourrais passer... car je suis si petit, si petit- tu sais bien...

YGRAINE

Je n'ai rien que ma lampe, Tintagiles... Voilà! Voilà!... Elle frappe la porte à grands coups, à l'aide de sa lampe d'argile qui s'éteint et se brise. Oh !... Tout est noir tout à coup!... Tintagiles, où es-tu!- Oh! écoute, écoute!... Tu ne peux pas ouvrir de l'intérieur?...

TINTAGILES

Non, non; il n'y a rien... Je ne sens rien du tout... Je ne vois plus la petite fente claire...

YGRAINE

Qu'as-tu donc, Tintagiles?... Je n'entends presque plus.

TINTAGILES

Petite sœur, sœur Ygraine- Ce n'est plus possible...

[552]

YGRAINE

Qu'y a-t-il, Tintagiles?... où vas-tu?...

TINTAGILES

Elle est là!... Je n'ai plus de courage. - Sœur Ygraine, sœur Ygraine !... Je la sens !...

YGRAINE

Qui?... Qui?-

TINTAGILES

Je ne sais pas... Je ne vois pas... Mais ce n'est plus possible!... Elle... elle me prend à la gorge... Elle a mis la main sur ma gorge... Oh ! oh ! sœur Ygraine, viens ici...

YGRAINE

Oui, oui-

TINTAGILES

II fait si noir!-

YGRAINE

Débats-toi, défends-toi, déchire-la!... N'aie pas peur... Un moment!... Je suis là... Tintagiles?- Tintagiles! réponds-moi!... Au secours!- où es-tu?... Je vais t'aider- embrasse-moi- au travers de la porte... ici... ici...

TINTAGILES, très faiblement

Ici- ici- sœur Ygraine-

YGRAINE

C'est ici, c'est ici que je donne des baisers, tu l'entends? Encore! encore!...

TINTAGILES, de plus en plus faiblement

J'en donne aussi... ici- sœur Ygraine!... sœur Ygraine!... Oh!...

On entend la chute d'un petit corps derrière la porte de fer.

[553]

YGRAINE

Tintagiles!- Tintagiles!... Qu'as-tu fait?... Rendez-le!- rendez-le!- pour l'amour de Dieu, rendez-le!... Je n'entends plus... - Qu'en faites-vous?- Ne lui faites pas de mal, n'est-ce pas?- Ce n'est qu'un pauvre enfant!- Il n'y résiste pas... Voyez, voyez... Je ne suis pas méchante... Je me suis mise à deux genoux... Rends-le nous, je t'en prie!... Ce n'est pas pour moi seule, tu le sais... Je ferai tout ce qu'on voudra... Je ne suis pas mauvaise, vous voyez... Je vous en supplie les mains jointes... J'ai eu tort... Je me soumets tout à fait, tu vois bien-J'ai perdu tout ce que j'avais... Il faudrait me punir autrement... Il y a tant de choses qui pourraient me faire plus de peine... si tu aimes à faire de la peine... Tu verras... Mais ce pauvre enfant n'a rien fait... Ce que j'ai dit, ce n'est pas vraimais je ne savais pas- Je sais bien que vous êtes très bonne... Il faut bien qu'à la fin l'on pardonne !... Il est si jeune, il est si beau et il est si petit!... Vous voyez que ce n'est pas possible!- Il met ses petits bras sur votre cou ; sa petite bouche sur votre bouche ; et Dieu lui-même ne peut plus résister... Vous allez ouvrir, n'est-ce pas?... Je ne demande presque rien... Je ne dois l'avoir qu'un moment, un tout petit moment... Je ne me rappelle pas... tu comprends... Je n'ai pas eu le temps... Il ne faut presque rien pour qu'il passe... Ce n'est pas difficile... Un long silence inexorable. - Monstre!... |Monstre ! - Je crache !..

Elle s'affaisse et continue de sangloter doucement, les bras étendus sur la porte, dans les ténèbres.

© M.Maeterlinck, ayants-droit, 1894
M.Maeterlinck. Oevres II. Théâtre. Tome 1. Bruxelles: Editions complex, 1999. P.: 521-557.
OCR: Aerius (ae-lib.org.ua) 2003
Spellcheck: Aerius (ae-lib.org.ua) 2003

Primeros colaboradores de VER SACRUM



Portada de VER SACRUM por Koloman Moser. 1902

Durante los dos primeros años VER SACRUM (que significa riachuelo sagrado) fue una publicación mensual. El material ilustrado fue desde el principio muy importante; grandes fotógrafos incluían fotografías de interiores, reproducciones de pinturas, esculturas etc. Asimismo algunos estritores y poetas colaboraron desde el principio y algunos artistas "ilustraron" poesías de Rainier Maria RILKE, Hugo von HOFMANNSTHAL, Maurice MAETERLINCK (cuya "Muerte de Tintagiles" fue publicada en el número de diciembre de 1908), Knut HANSUM, Otto Julius BIERBAUM, Richard DEHMEL, Ricarda HUCH, Conrad Ferdinand MEYER y Arno HOLZ.
Algunos músicos publicaron partituras, así Conrad ANSORGE, Hugo WOLF.
El primer número - 1898 - fue integramente dedicado a las reproducciones del pintor, dibujante y grabador belga Fernand KHNOPFF



Fernand KHNOPFF en 1900



La Esfinge, de Fernand KHNOPFF (1896). Musées Royaux des Beaux-Arts. Bruxelles

El número de noviembre de 1899 incluyó un ensayo de Theo Van Rysselberghe sobre la obra poética de Emilio VERHAEREN, y el de 1900 se dedicó íntegramente a Giovanni SEGANTINI.



Giovanni SEGANTINI, Autorretrato (1893)



Giovanni SEGANTINI: Leben in Bildern. St Moritz.

Miembros fundadores de la Secesión de Viena


Grupo de artistas de la secesión de Viena - fotografía de Moritz Nähr -, de izquierda a derecha: Anton Stark, Gustav Klimt (sentado), Kolo Moser (frente a Klimt, con sombrero), Adolf Böhm, Maximilian Lenz (reclinado), Ernst Stöhr (con sombrero), Wilhelm List, Emil Orlik (sentado), Maximilian Kurzweil, Leopold Stolba, Carl Moll (reclinado) and Rudolf Bacher. La foto fue tomada en el Pabellón de la Secesión
Los 23 miembros que salieron de la Kunstlerhaus y fundaron la secesión fueron
Gustav KLIMT
Ernst STOHR
Johann Viktor KRAMER
Joseph Maria OLBRICH
Koloman MOSER
Carl MOLL
Rudolf BACHER
Rudolf von OTTENFELD
Hans TICHY
Anton NOWAK
Julius MAYREDER
Edmund von HELLMER
Felician von MYRBACH
Josef ENGELHART
Eugen JETTEL
Wilhelm BERNATZIK
Josef HOFFMANN
Max KURZWEIL
Max LENZ
Wilhelm LIST
Otto WAGNER
Rudolf von ALT

VER SACRUM



Portada de VER SACRUM, enero de 1889

El Art Nouveau austríaco fue menos vegetal que el francés, mucho más geométrico.
Herman BAHR escribía así en el primer número de la revista VER SACRUM, la publicación oficial de los artistas secesionistas, fundada por Klimt en 1898:

"El sentido de ls secesiones de Münich y París ha sido el de contraponer al viejo una nueva manifestación de arte. Se trataba pues de una disputa interna al arte sobre cuál debía ser la mejor manera de expresión... Era una disputa entre Escuelas, culturas, modos de ser o como se la quiera llamar. Entre nosotros no es así, es muy diferente. Nosotros no vamos contra la tradición sino que ésta nos falta del todo. Nosotros nonos manifestamos contra una forte antigua del arte - que entre nosotros no existe - o por una nueva. No vamos contra esta é aquella evolución o transformación del arte, sino por el arte en sí mismo y para sí mismo... Nuestra disputa es: arte o comercio. Esta es la pregunta que hace nuestra Secesión..."

Se comprnde mejor que este sentido deliberación, tanto humano como artístico, haya podido unir personalidades tan diversas entre sí.
La salida de la revista mensual VER SACRUM (que comenzó a ser publicada por los editores Gerlach & Schenk de Viena) fue una primera respuesta a la ausencia total en Austria de un Diario artístico, y el acto fundacional de la Secesión. Existían periódicos políticos, semanarios y hasta "prensa rosa", pero el arte - que otrora contaba con grandes mecenas entre la alta nobleza del Imperio, carecía de la protección y expresión necesaria para su desarrollo puesto que la misma sociedad austríaca había cambiado. Artísticamente Austria dependía del extranjero y lo poco que se hacía era arte cortesano.
La gran novedad, pues, de la secesión vienesa era que brotaba sin ningún punto de referencia, en toda su pureza artística.
Todo había comenzado con una áspera discusión entre los mimebros de la Genossenschaft bildender Künstler Wiens (Asociación de artistas figurativos de Viena) y la Künstlerhaus o Casa del artista. Algunos artistas entre los más jovenes habían creado prácticamente una asociación dentro de la sociedad de artistas.



Josef ENGELHART en 1890

La piedra del escándalo fue servida en ocasión de la exposición anual de artistas en mayo de 1887. Josef ENGELHART (1864-1941) quien presentó un desnudo femenino llamado Kirschenpfückerin. La obra fue retirada por la comisión - pese a que se reconocían las excelentes cualidades artísticas del pintor - basándose en que el tema podría herir la sensibilidad de los señores de la alta sociedad.
El escándalo entre los artistas fue enorme. Un mes más tarde, el 12 de junio de 1887, un grupo de artistas comenzó afuncionar como asociación autónoma.
Klimt fue nombrado presidente y el ennoblecido pintor Rudolf Ritter von ALT (1812-1905) - que contaba con 85 años - presidente honorario.
Los primeros secesionistas solían reunirse en la brasería "Zum Blauen Freihaus" de la Gumperdorferstrasse, en Viena; siete de entre ellos solían también tomar un café como centro de reunión>: Joseph Maria Olbrich, Josef Hoffmann, F. Pilz, Kolo Moser, Max Kurzweil, L. Kaimdl y A. Kapellus.
Con la fundación de VER SACRUM vino la idea de la Primera Exposición de la Secesión vienesa.

Texto del Himno a la Alegría (Novena Sinfonía - alemán-francés)


Texto de la Oda a la Alegría (Novena Sinfonía)
El texto cantado en el cuarto movimiento de la Novena Sinfonía toma tan sólo una parte del poema de Schiller. Existen ligeras variaciones con relación al poema original de 1785.

Texte original allemand
O Freunde, nicht diese Töne!
Sondern laßt uns angenehmere
anstimmen und freudenvollere.
Freude!
Freude, schöner Götterfunken
Tochter aus Elysium,
Wir betreten feuertrunken,
Himmlische, dein Heiligtum!
Deine Zauber binden wieder
Was die Mode streng geteilt;
Alle Menschen werden Brüder,
(original de Schiller :
Was der Mode Schwert geteilt;
Bettler werden Fürstenbrüder,)
Wo dein sanfter Flügel weilt.
Wem der große Wurf gelungen,
Eines Freundes Freund zu sein;
Wer ein holdes Weib errungen,
Mische seinen Jubel ein!
Ja, wer auch nur eine Seele
Sein nennt auf dem Erdenrund!
Und wer's nie gekonnt, der stehle
Weinend sich aus diesem Bund!
Freude trinken alle Wesen
An den Brüsten der Natur;
Alle Guten, alle Bösen
Folgen ihrer Rosenspur.
Küsse gab sie uns und Reben,
Einen Freund, geprüft im Tod;
Wollust ward dem Wurm gegeben,
und der Cherub steht vor Gott.
Froh, wie seine Sonnen fliegen
Durch des Himmels prächt'gen Plan,
Laufet, Brüder, eure Bahn,
Freudig, wie ein Held zum Siegen.
Seid umschlungen, Millionen!
Diesen Kuß der ganzen Welt!
Brüder, über'm Sternenzelt
Muß ein lieber Vater wohnen.
Ihr stürzt nieder, Millionen?
Ahnest du den Schöpfer, Welt?
Such' ihn über'm Sternenzelt!
Über Sternen muß er wohnen.
La section finale répète :
Freude, schöner Götterfunken
Tochter aus Elysium,
Seid umschlungen, Millionen!
Diesen Kuß der ganzen Welt!


Traduction française
Mes amis, cessons nos plaintes !
Qu'un cri joyeux élève aux cieux nos chants
de fêtes et nos accords pieux !
Joie !
Joie ! Belle étincelle des dieux
Fille de l'Élysée,
Nous entrons l'âme enivrée
Dans ton temple glorieux.
Tes charmes relient
Ce que la mode en vain détruit ;
Tous les hommes deviennent frères
(original de Schiller :
Ce que l'épée de la mode sépare;
Les mendiants seront frères avec les princes)
Là où tes douces ailes reposent.
Que celui qui a le bonheur
D'être l'ami d'un ami ;
Que celui qui a conquis une douce femme,
Partage son allégresse !
Oui, et aussi celui qui n'a qu'une âme
À nommer sienne sur la terre !
Et que celui qui n'a jamais connu cela s'éloigne
En pleurant de notre cercle !
Tous les êtres boivent la joie
Aux seins de la nature,
Tous les bons, tous les méchants,
Suivent ses traces de rose.
Elle nous donne les baisers et la vigne,
L'ami, fidèle dans la mort,
La volupté est donnée au ver,
Et le chérubin est devant Dieu.
Heureux, tels les soleils volent
Sur le plan vermeil des cieux,
Courrez, frères, sur votre voie,
Joyeux, comme un héros vers la victoire.
Qu'ils s'enlacent tous les êtres !
Un baiser au monde entier !
Frères, au plus haut des cieux
Doit habiter un père aimé.
Tous les êtres se prosternent ?
Pressens-tu le créateur, Monde ?
Cherche-le au-dessus des cieux d'étoiles !
Au-dessus des étoiles il doit habiter.
La section finale répète :
Joie ! Belle étincelle des dieux
Fille de l'Élysée,
Soyez unis êtres par million !
Qu'un seul baiser enlace l'univers !

Max Klinger



Nacido en Lepzig el 18 de febrero de 1857, Max Klinger aparece hoy como uno de los máximos exponentes del simbolismo alemán tanto en escultura como en pintura y grafismo.
Hizo sus estudios en Karlsruhe, donde se hizo devoto de las obras de Adolf von MENZEL y de Francisco de GOYA, cuyos "desastres dela guerra" y su serie negra influenciaron notablemente la obra de Klinger. Posteriormente, los grabados de Max Klinge influenciarían artistas dela talla de Edward MUNCH o Alfred KÜBIN.
Su obra escultórica es realista (intenta acercarse lo más posible al modelo), combinando diversos materiales en una misma obra: mármoles varios, bronce etc. Pero al poner esta técnica al servicio de las ideas, se apartó del realismo y entró en el simbolismo.
Giorgio De Chirico afirmó que Klinger es el mejor enlace entre el simbolismo y el surrealismo.
El Asteriode 22369 Klinger fue nombrado así en su honor.

Historia del fresco (2)


Foto del Beethoven de Max Klinger, tomada durante la exposición en el Pabellón de la Secesión verificada entre el 15 de abril y el 27 de junio de 1902.

Corría el año 1902 cuando Gustav Klimt comenzó su trabajo con el fresco,considerado como una expresión narcisista de una felicidad utópica.
La ocasión había sido dada por la exposición en Viena de una estatua de Beethoven,obra de Max KLINGER (1857-1920).
Esta obra estaba ejecutada en mármol, alabastro, ámbar, bronce y marfil (actualmente se encuentra expuesta en el Museo Bildenen Künste de Leipzig)
Los artistas de la secesión vienesa decidieron convertir el Pabellón en un templo consagrado a la estatua de Klimger, que figuraba almúsico sentado en un trono.La intención de los artistas era manifestar que el arte es una religión de substitución que ofrece un refugio contra la vida moderna.
La exposición Beethoven - considerado un Prometeo delas artes que había sabido vencer a todos los buitres de la existencia - obtuvo el concurso de todos los artistas secesionistas. El sello de oro lo dio Gustav Mahler que ejecutó la Novena Sinfonía en un arreglo condensado y arreglado para la circunstancia.
La contribución de Klimt fue el friso alegórico en tres paneles.

Dedicatoria y primera edición de la Novena Sinfonía



Federico Guillermo III, Rey de Prusia

Cuando la Novena fue publicada por primera vez en Mayence en 1826, en las ediciones Schott (casa fundada en 1770 por Bernhard Schott), la dedicatoria de Beethoven estaba dirigida a Federico Guillermo III, Rey de Prusia /1770-1840), monarca que, durante su reinado, se vió envuelto en las guerras napoleónicas. En ese entonces el Congreso de Viena había terminado hacía 11 años, la célebre Reina Luisa había ya fallecido y el Rey se había casado morganáticamente con la condesa Augusta von Harrach, creada - para dismunuir las diferencias de l'égalité de naissance - Condesa de Hohenzollern.


La Reina Luisa de Prusia, por Josef Maria Grassi

Hijo de Federico Guillermo II, Rey de Prusia, y de la princesa Federica de Hesse-Darmstadt, el Rey se había casado en primeras nupcias con la princesa Luisa de Mecklenburg-Strelitz, la célebre Reina Luisa que se enfrentó a Napoleón.
Al comenzar las campañas de Napoleón, Federico Guillermo III intentó mantenerse neutro pero tuvo que aliarse a Rusia presionado por el Zar Alejandro I. Fue derrotado en las batallas de Iéna y de Auerstaedt y firmó la paz de Tilsit en 1807.
La Reina Luisa lo ayudó a reformar las fuerzas armadas y la administración del Reino para recuperar los territorios polacos perdidos durante la guerra, pero sobrevino la derrota de la Gran Armada en Rusia en 1813.
La Novena había sido estrenada dos años antes de su publicación, el 7 de mayo de 1824. El que Beethoven la haya dedicado a uno de los enemigos (diríamos mejor víctima) de Bonaparte, dice mucho del temperamento del compositor que rasgó la dedicatoria hecha a Napoleón de la Tercera Sinfonía (La Heroica) por considerar que con la proclamación del Primer Imperio Bonaparte había traicionado los ideales de la Revolución Francesa.

Estudio musical de la Novena Sinfonía (en francés)


Autant d'années séparent la composition de la Première Symphonie (1800) de celle de la Huitième (1812), que celles de la Huitième et de la Neuvième (1824), et si la structure générale de cette dernière peut paraître classique avec ses quatre mouvements, chacun d'entre eux innove, se déploie et prend des proportions exceptionnelles : 547 mesures pour le premier mouvement, 1414 pour le deuxième (avec ses reprises, son da capo et sa coda), 157 pour le troisième et 940 pour le finale5. Le premier mouvement garde la forme sonate avec ses deux thèmes, son développement et sa ré-exposition ; le scherzo est placé en deuxième position – pour la première fois dans une symphonie de Beethoven – comme dans les Quatuors à cordes op. 18 n° 4 et n° 5, le Trio à l'Archiduc op. 97 ou la Sonate Hammerklavier op. 106 ; le mouvement lent, en troisième position, est un adagio en forme de thème et variations ; le finale particulièrement complexe se divise en quatre sections et prend les dimensions d'un oratorio avec solistes et chœur.
Outre les développements thématiques impressionnants, l'exploitation méticuleuse de chaque motif, leur imbrication rigoureuse et homogène, l'œuvre se caractérise par des changements de tempos, de caractères, de mesures, d'armures et de modes jamais vus jusqu'alors dans une symphonie, ce qui fit écrire à Berlioz6 : « Quoi qu’il en soit, quand Beethoven, en terminant son œuvre, considéra les majestueuses dimensions du monument qu’il venait d’élever, il dut se dire : “Vienne la mort maintenant, ma tâche est accomplie.” »
Écrite pour orchestre symphonique, cette œuvre est la première du genre à se voir adjoindre dans le finale des solistes chanteurs (soprano, alto, ténor, baryton) et un chœur (sopranos, altos, ténors, basses). À l'instar du dernier mouvement de la cinquième symphonie, un piccolo pour l'aigu, un contrebasson pour le grave et trois voix de trombone (alto, ténor et basse) pour les cuivres sont aussi ajoutés au finale ainsi qu'un triangle, une grosse caisse et des cymbales pour la percussion. Vue l'orchestration exceptionnelle du finale et l'exploitation maximum des tessitures et techniques vocales, la réunion de plusieurs chorales de qualité est nécessaire pour une bonne audition de l'œuvre. Les trois trombones interviennent également pour quelques mesures dans le Scherzo.
Tonalité
Le premier mouvement commence par une incertitude, un doute : sur une quinte (la - mi) tenue pianissimo jouée aux deux premiers cors et en trémolos aux deuxièmes violons et violoncelles, les premiers violons puis les altos et contrebasses répètent ces deux notes, la première en brève appoggiature de la deuxième, en mouvement descendant, de manière interrogative, énigmatique. Les bois soutiennent ensuite progressivement les tenues, renforçant le crescendo des pédales, les deux notes devenant plus mélodiques se resserrent dans le temps. Il faut attendre, juste après le ré de basse des bassons et des troisième et quatrième cors, la dix-septième mesure pour entendre enfin s'affirmer magistralement la tonalité de ré mineur. Le premier thème prend tout l'espace sonore, des instruments les plus graves aux plus aigus ; il débute fortissimo à l'unisson du tutti d'orchestre par l'arpège descendant sur deux octaves de l'accord parfait mineur (ré, la, fa, ré, la, fa, la, fa, ré), les timbales, les troisième et quatrième cors et les trompettes martelant la tonique (ré) et la dominante (la).
Indication de mouvement
La même hésitation, le même flottement se retrouvent pour la mesure et le tempo : les tenues et les trémolos de l'introduction forment une nappe brumeuse d'où s'échappent les descentes de quartes et quintes des cordes, seul le grand unisson orchestral du premier thème affirmera l'Allegro ma non troppo, un poco maestoso titrant cette première partie. L'indication de mouvement Allegro, normalement rapide et gai, est atténuée par le mais pas trop ; elle est complétée par l'indication d'expression un peu majestueusement, avec une certaine solennité. Beethoven, profitant du métronome breveté par son ami Maelzel, précise même la pulsation à 88 noires par minute8, ce qui habituellement correspond d'avantage à un Moderato. Malgré cette relative lenteur, en gardant le terme Allegro, il impose sa volonté de préserver le caractère dynamique et énergique à l'allure et aux rythmes de ce premier mouvement. Comportant 547 mesures à deux temps, le tempo étant de 88 à la noire, la durée théorique, avec les quatre ritenutos très courts, est d'environ 12 minutes et demi ([547 x 2 x 60] : 88 = 746 secondes).
Structure
Forme sonate :
• exposition : deux thèmes, l'un en ré mineur, l'autre en si♭ majeur, sans reprise ;
• développement : très modulant, sur des parties des deux thèmes, sur-dimensionné,
• réexposition : les deux thèmes très variés, mais principalement en ré mineur/majeur
• coda : en deux parties.
Deuxième mouvement : Molto vivace [modifier]
Tonalité
Aucune hésitation quant à la tonalité du deuxième mouvement : dès l'introduction, sur un rythme de sicilienne, les cordes martèlent une descente de tonique, dominante ré, la (souvenir du début de l'Allegro initial), et ce sont les timbales, surprenantes après un silence, qui fixent le mode mineur avec la médiante fa en octave, puis tout l'orchestre scande la tonique ré, le ré mineur s'impose à nouveau. Dans la musique classique dans son sens le plus large, c'est l'un des rares exemples où les timbales sortent de leur emploi habituel de soutien harmonique ne jouant que des premiers et cinquièmes degrés (tonique et dominante) ; ici, ce sont elles qui déterminent le mode, jouant en solo le troisième degré de la gamme (fa naturel, médiante de ré mineur).
La partie centrale, prémices à l'Ode à la joie du finale, module dans le premier sens du terme : gardant la tonique, le mode change en ré majeur. Beethoven réutilisant une partie de ce motif dans les treize ultimes mesures de la coda, le mouvement s'achève dans cette tonalité majeure.
Indication de mouvement
Cette deuxième partie de la symphonie est un Molto vivace à 3/4, la blanche pointée étant de 116 pulsations par minute. Dans ses œuvres précédentes, Beethoven nous a habitués à ces tempos très vif pris à la mesure, rendant le rythme ternaire la pulsation étant à la blanche pointée. Dès la première symphonie, bien que le troisième mouvement soit intitulé Menuetto, l'indication est Allegro molto e vivace, blanche pointée égale 108, les scherzos suivants obéissant au même principe de tempo à la mesure. Bien-sûr, dans cette neuvième, Beethoven va un peu plus loin, précisant pour certains passages Ritmo di tre battute et Ritmo di quatro battute (battre à trois temps comme un 9/4 et battre à quatre temps comme un 12/4), précisant exceptionnellement la carrure de ses phrases musicales.
Comme il l'avait déjà fait dans la troisième et la sixième symphonies, le trio de ce scherzo revient à une mesure binaire, un Presto à 2/2, mais là encore pris à la mesure en gardant la pulsation précédente, soit la ronde égale 116. Ce trio avec son équivalence de pulsation (blanche pointée précédente = ronde) pose, avec l'Allegro assai vivace - Alla Marcia du finale, l'un des principaux problèmes des indications métronomiques de l'œuvre. Si cette dernière paraît beaucoup trop lente, celle-ci semble bousculée, précipitée. Quelques chefs préfèrent par exemple "noire = noire" soit la ronde autour de 88 (rappel du tempo du premier mouvement), d'autres font un choix intermédiaire (+/- 100), rares sont ceux qui imposent cette équivalence de tempo à 116 très (trop?) rapide9.
Avec ses reprises, son da capo (sans reprises), sa coda, deux strigendos très courts, ce mouvement fait un total de 1414 mesures à 116 bpm à la mesure (3/4 ou 2/2), soit un timing théorique [(1414 x 60) : 116 = 731 secondes], avec les accélérés, d'un peu plus de 12 minutes.
Structure
Ce Molto vivace est un Scherzo de deux reprises avec Trio, également de deux reprises, da Capo sans les reprises et Coda.
Après l'accord de ré mineur descendant sur un rythme de sicilienne entrecoupé de silence vu ci-dessus, la première reprise commence par un fugato à cinq voix des cordes, d'un caractère très vif et léger, joué pianissimo et staccato, chaque voix étant ponctuée graduellement par les bois et les cors. Le thème est ensuite exposé fortissimo par l'orchestre, les timbales, trompettes et cordes graves martelant la première noire de chaque mesure ; il module de ré mineur à do majeur. Sur un ostinato rythmique des cordes sur cinq octaves, apparaît un nouvel élément à deux voix en do majeur joué aux bois. Il s'en suit un jeu d'alternance entre les bois et les cordes sur les motifs précédents se concluant par une gamme par mouvements contraires, puis le rythme initial de sicilienne est répété quatre fois pianissimo en modulant do majeur, la mineur, fa majeur, ré mineur et… trois mesures de silence ! Reprise au fugato
Avant la deuxième reprise, Beethoven reprend la section "rythme initial de sicilienne modulant" sur ré mineur, si majeur, sol mineur, mi majeur. À nouveau, trois mesures de silence, et semblant s'amuser de ces modulations, il enchaîne sur ce même rythme, une kyrielle de tonalités descendantes en tierce et alternant majeur/mineur, pour nous mener, après un petit chromatisme, à la dominante de mi mineur (mi M, do m, la M, fa m, ré M, si m, sol M, mi m, do M, la m, mi M, do# m, la M + "la, la#, si" sur cinq octaves). Sur une carrure de trois mesures (Ritmo di tre battute) commence un fugato du thème initial joué par les bois, la timbale rompant la cadence dans tous les sens du terme, imposant un fa majeur, les cors/trompettes ramenant le ré mineur. La carrure redevient à quatre temps (Ritmo di quatro battute) sur l'entrée en strette des cordes ; les cors et timbales puis tout l'orchestre martèlent le rythme de sicilienne, le thème principal revient fortissimo, sur l'accord de ré mineur scandé par les cuivres et les basses. Suit une partie plus harmonique, mais toujours rythmée de siciliennes, amenant à nouveau le deuxième thème au bois d'abord en majeur, puis mineur ; les cuivres et cordes cadencent la tonique. Après un développement des éléments de ce thème, retour au "rythme initial de sicilienne modulant" et reprise de cette deuxième section.
Après un point d'orgue sur l'accord de dominante de ré ''(la do# mi), pour amener le trio et sa nouvelle mesure, Beethoven utilise un strigendo il tempo (accélérer le tempo) pour arriver au Presto à 2/2 sur une descente en octaves des cinquième et premier degrés. Les hautbois, doublés des clarinettes sur une basse staccato des deux bassons à l'unisson exposent un nouveau thème aux lignes mélodiques de plus en plus proche du chant final. Ré-exposé au cors puis aux bassons, c'est la partie staccato qui est développée par le hautbois solo, retour de ce thème à la flûte et aux violons I & II sur le sempre staccato en tierces des bassons, altos, violoncelles et contrebasses. Après la reprise, le développement de ces deux éléments mène au Scherzo da capo al coda senza repliqua poi la Coda
La Coda reprend le strigendo il tempo pour faire ré-entendre le thème du Presto s'arrêtant brutalement sur un silence, suivi, comme précipitée, de la descente en octaves des cinquième et premier degrés (la, ré).
Troisième mouvement : Adagio molto e cantabile [modifier]
(4/4, noire = 60, si majeur) - Andante moderato (3/4, noire = 63, ré majeur) - (mesure, tempo et ton primo) - (mesure et tempo secondo, sol majeur) - (mesure et tempo primo, mi majeur) - Lo stesso tempo (12/8, noire pointée = 60, si majeur)
Indication de mouvement
Deux phrases alternent au départ de ce troisième mouvement : un Adagio molto e cantabile à 4/4, la noire = 60 et un Andante moderato à 3/4, la noire = 63.
Aujourd'hui, un Adagio est trop souvent synonyme de lenteur ou d'indolence , alors que l'origine du mot "ad agio" signifie "à l'aise" et ici adagio molto doit être compris comme "très à l'aise". Cette idée est renforcée par le cantabile, "bien chanté", atténuée sur la partie de premier violon par un mezzo voce, à mi-voix. Très à l'aise et bien chanté, mais à mi-voix, après l'effervescence fébrile du Scherzo, Beethoven nous mène dans une quiétude sereine, un apaisement mélodieux.
L'Andante moderato, (en marchant plutôt tranquillement), avec l'indication espressivo aux premiers et deuxièmes violons, implique une remise en route, une reprise du cheminement. Si les indications métronomiques peuvent paraître assez proches, (60 et 63), ce sont surtout les rythmes utilisés qui contrastent les deux phrases : valeurs longues et liées pour la première, syncopes et doubles-croches pour la deuxième.
Quand apparaît le 12/8 avec l'indication Lo stesso tempo, (la même vitesse de pulsation, donc la noire pointée à 60 bpm), là encore les thèmes et les variations comme improvisées des premiers violons, sont spécifiés dolce (avec douceur) dans le bercement de l'accompagnement ternaire, contrastant avec les deux courtes fanfares surprenantes et sonores, appels de « remise en marche » et annonçant le dernier mouvement.
Compte tenu des tempos indiqués et d'un point d'orgue, la durée théorique est (approximativement) de 9 minutes 50 secondes.
Structure
Le troisième mouvement allie plusieurs formes et peut être présenté de plusieurs façons.
Les éléments :
• un thème A en si majeur de seize mesures à 4/4, avec une intro de 2 et une coda de 6 reprenant la dernière partie du thème,
• un thème B de 16 mesures en ré majeur à 3/4, fondu-enchaîné sur la coda précédente et coda de deux mesures avec une cadence rompue et un point d'orgue arpégé aux premiers violons sur l'accord de septième de dominante de la tonalité suivante,
• une première variation de A à 4/4, thème très orné aux premiers violons, coda identique, retour en si majeur
• un retour du thème B en sol majeur à 3/4, non pas varié mais réorchestré (inversement : thème au bois, accompagnement aux cordes), coda avec une cadence rompue, se terminant sur l'accord de septième de dominante de la tonalité suivante,
• une deuxième variation en forme de développement de A à 4/4 commençant en mi majeur, passant en mi mineur, reprenant en do majeur, s'achevant sur l'accord de septième de dominante de cette tonalité. À noter la vertigineuse partition du quatrième cor dans cette section : sur un ambitus de plus de trois octaves, il joue d'abord la basse du quatuor avec le basson et les deux clarinettes, une fausse entrée en fugato du thème A qui s'achève sur des sons pédales de contrebasse, doublant ensuite à l'octave inférieure (tout de même) le chant de flûte/clarinette, il termine en solo, sans aucun accompagnement, par une cadence de la gamme ascendante et descendante de do♭ majeur.
• une troisième variation de A 12/8, si majeur, coda, fanfare de deux mesures
• une quatrième variation de A 12/8, si majeur, coda, fanfare de deux mesures
• une coda générale (issue de A, ultime variation ?)
Quatrième mouvement : Finale
La division en quatre parties du "monument" qu'est le Finale, s'impose par le jeu des tonalités, des changements de mesures et d'indications de mouvement :
• la première section reprend l'alternance de modes du deuxième mouvement (ré mineur/majeur), elle alterne aussi les 3/4 et 4/4 ;
• la deuxième, entièrement à 6/8, rappelle les tonalités des thèmes du troisième mouvement (si♭ et ré majeur),
• la troisième, à 3/2, ré-alterne les modes cette fois sur sol,
• la dernière, en 6/4 et en 2/2, impose définitivement le ré majeur.

Der Wanderer



EL CAMINANTE (1914-1915), Koloman MOSER. Óleo sobre tela, 75.6cm x 62.5cm. La obra está expuesta en el Leopold Museum, Viena.

Obra de Koloman MOSER (1868-1918), llamado Kolo, DER WANDERER (el caminante) es una obra representativa del Art Nouveau vienés.
Kolo Moser ha sabido transmitir
Independencia
Libertad en el sentido más amplio de la palabra
Decisión
Vigor
Hedonismo, en el sentido filosófico preciso
Comunión con la naturaleza
Fuerza interior
El hombre no se apoya sobre un cayado sino se vale de él para caminar con mayor seguridad por un sendero quizá desconocido o accidentado
Los labios cerrados sugieren seguridad en su marcha yla mano izquierda puro movimiento
Su desnudez total, con la exposición delsexo en reposo, supone pureza
Sus pies, grandes y bien formados están hechos para la marcha y no para el paseo o la simple caminata.
El "paisaje" desaparece ante la figura del paseante, la naturaleza es dominada por el hombre
Terminado de pintar en 1915, no se sabe si Moser se inspiró en un lied para voz y piano compuesta por Franz Schubert un siglo antes, en 1816, "Der Wanderer", sobre un poema de Georg Philipp Schmidt. Pero el caminante de Moser no tiene el menor tinte del romanticismo shubertiano. No parece haber una relación entre la pieza musical y la pintura, a menos que tomando el título (que no el tema), Moser haya querido darle un nuevo sentido "secesionista".

Soledad y abstinencia

El artículo precedente me lleva a reflexionar sobre un punto que el FRESCO DE BEETHOVEN toca aunque de manera no explícita. El amor al arte, bajo todas sus formas, implica una austeridad de vida y una disciplina del espíritu que lleva al artista tocado por los duendes - en el sentido lorquiano de la palabra - a una vida de soledad y abstinencia en el amor. No se trata de una opción religiosa ni mucho menos por imitación: es un camino personal, y por ende distinto cada vez, que el artista está obligado a seguir por la presión del mismo arte.
Su arte abarca de tal modo la vida del artista, la engloba, sumerge y aprisiona que absolutamente nada puede interferir entre el Amigo y el Amado (el arte), para parafrasear a Blanquerna.
Este es un punto a meditar, porque la soledad acompañada del artista nada tiene de sacrificio sino de entrega y donación.

Michelangelo y Tommaso Cavalieri


El amor tardío de Miguel Ángel
Londres muestra la relación platónica del genio con el joven Cavalieri
PATRICIA TUBELLA - Londres - 06/03/2010

En el invierno de 1532, el genio inmenso, indomable, incluso arisco, de Miguel Ángel Buonarroti, capaz de plantar cara a las órdenes del mismísimo Papa, se rendía incondicionalmente ante los encantos de un noble romano que apenas había abandonado la adolescencia. El maestro renacentista contaba 57 años y se hallaba en el cenit de su carrera cuando conoció a Tommaso Cavalieri, dotado de extraordinaria belleza, exquisitas maneras y una mente cultivada, en la corte de Clemente VII. De aquel encuentro nació un amor que se prolongaría a lo largo de tres décadas, plasmado en una serie de cartas, poemas y, sobre todo, de los dibujos más perfectos que concibiera el pulso del artista como regalo a ese joven objeto de su deseo.
Tommaso encarnó El sueño de Miguel Ángel, título de una exposición londinense que reúne desde esta semana esa colección de trabajos de estudio, ejecutados con carboncillo negro y rojo, que trascienden al mero boceto preparatorio para convertirse en obras de arte en sí mismas. Formalmente fueron concebidas como guía destinada al aprendizaje del alumno, pero ejercieron de excusa para solidificar la relación entre los dos hombres, que al parecer nunca tuvo consumación física, aunque los sonetos y misivas que intercambiaron transmitan una tremenda sensualidad. Tal era la pasión de Miguel Ángel ("Mi corazón está por primera vez en las manos de aquel a quien he confiado mi alma...", reza una de sus cartas) que permitió a Cavalieri no sólo copiar sus dibujos, sino también someterlos a juicio. El mismo artista que vetaba sus esquemas y bocetos a los ojos ajenos para ocultar todo el sufrimiento que entrañaba su obsesión perfeccionista, reclamaba sugerencias y enmiendas a un joven de sólo 17 años, tal como relata uno de sus coetáneos, el historiador Giorgio Vasari.
"Si este boceto no te complace, dímelo a tiempo para que haga otro mañana por la noche", escribe Miguel Ángel al pie de uno de los tres primeros dibujos que, de regreso a Florencia, envía a Tommaso con la escenificación de la caída de Phanteon. El resultado más logrado de sus desvelos fue el desnudo idealizado de un joven recostado sobre un globo terráqueo, el rostro de perfil encarado hacia una figura alada, que ejecutó en 1533, un año después de conocer a Cavalieri. Se trata de El sueño, obra maestra del autor y pieza estelar de la exposición en la Courtauld Gallery de Londres, que destila toda su destreza e inventiva artística.
Junto al conjunto de dibujos de temática mitológica, como El castigo de Titus o El rapto de Ganymede, una quincena de cartas entrecruzadas completa el cuadro de esta historia de amor platónico y su impacto en el trabajo de Miguel Ángel. Las cuatro epístolas de Tommaso que incluye la muestra sugieren su buena acogida al afecto del maestro. Ya casado y con hijos, permaneció hasta el final como el mejor y más fiel de sus amigos. La relación quedó circunscrita al ámbito artístico porque todo lo demás -la diferencia de edad y de extracción social, la presión del ambiente en el círculo papal, también la austeridad, soledad y abstinencia sexual que abrazó Miguel Ángel en pro de su amor al arte- acabó imponiéndose frente al placer físico.
Tommaso Cavalieri fue el hombre que sostenía la mano del gran pintor, escultor y arquitecto cuando éste fallecía, transcurridos 31 años desde su primer encuentro.

© EDICIONES EL PAÍS S.L. - Miguel Yuste 40 - 28037 Madrid [España] - Tel. 91 337 8200

Historia del fresco (1)


Gustav Klimt en 1908

En 1902 se organiza en Viena la XIV Exposición de la Secesión dedicada a la música de Beethoven; Klimt presenta un ciclo de 3 paneles que representan a la Novena Sinfonía y que formarían parte del decorado de un monumento encargado al arquitecto Josef HOFFMAN.
Gustav MAHLER, ya entonces en la Hofoper (Ópera de la corte), sale al encuentro de quienes denigran la obra de Klimt en nombre de la moral. Para Mahler el fresco es la perfecta representación de la humanidad doliente que aspira a la felicidad y que busca consuelo y realización en las Artes.
Pero, cómo surgió la idea de fresco?
La Novena Sinfonía de Beethoven, ejecutada a principios del siglo XX en la Ópera de Viena había impactado los espíritus artísticos de la época, de tal manera que la exposición de la Secesión fue dedicada a la música y a Beethoven en particular. La exposición de 1902, dedicada a la obra artística de Max Klinger, quería ser al mismo tiempo la exaltación de la música en torno a la estatua de Beethoven. El arquitecto Hoffman convirtió el Pabellón de la Secesión en una exposición laberíntica iniciática de la que los asistentes salían en estado hipnótico.

El Pabellón de la Secesión vienesa


Cada año suelo hacerme un regalo de cumpleaños: unos días de reposo en Viena. Intento hacer el viaje en torno a la fecha misma de mi aniversario pero no siempre lo logro, lo cual al final me permite vivir en Viena en diferentes estaciones; pero sea en invierno como en primavera, la ciudad se ofrece siempre con aquella característica que hace su encanto: su ritmo propio. Nada parece apresurar a nadie, todo y todos se mueven a un compás individual y colectivo que se armonizan como en un pentagrama dirigidos por una clave de sol.
Suelo alojarme en un hotel cercano al Ring, ya sea en el señero Bristol - que guarda todo el perfume de los primeros años del siglo XX y el recuerdo de las cuitas intelectuales y psicoanalíticas Maria Bonaparte y Sigmund Freud - o en el más moderno Hilton Stadtpark. En todo caso, el ritual suele ser el mismo: enrumbo por el Ring hasta la Ópera: entro al barrio de Naschmarkt por la Operngasse y cruzo la pequeña plaza de la Friedrichstrasse que me dirige suevamente hasta el n° 12 de la misma calle, casi a la intersección con la Linke Wienzeile, donde se levanta el Pabellón de la Secesión de Viena: mi objetivo, ya distinguible desde lejos gracias a su maravillosa cúpula de follaje de oro.
Este edificio guarda una de las obras mayores de Gustav Klimt: el Fresco de Beethoven, una composición que quiso poner colores y formas a la Novena sinfonía de Beethoven, una expresión de esperanza y amor a la que hoy me atrevo a poner palabras como Klimt la "dibujó" y dio colores con esmaltes, óleos, finísimas hojas de oro y piedras duras.
Esta es la historia de mi estrecha relación con este maravilloso fresco, la sinfonía de Ludwig van Beethoven y la vida.